Mieux vaut viser la transformation plutôt que l’amélioration ... Réflexions avant de la transformation de la voie professionnelle anoncée..

, par V. FLOIRAC

"Transformer le lycée professionnel", tel est le nom de la réforme lancée par Jean-Michel Blanquer au printemps 2018. En attendant la parution des textes officiels, nous vous proposons la lecture de nos échanges et de nos réflexions qui portent uniquement sur le titre de la réforme mais ils permettent déjà de dévoiler la richesse et la profondeur des changements à venir ainsi que l’ambition portée par Monsieur le Ministre.

Mieux vaut viser la transformation plutôt que l’amélioration, dans "Improvement versus transformation" (Education et didactique, 2017), Yrjo Engeström [1] nous fait passer l’idée que la transformation serait plus souhaitable que l’amélioration. Cette affirmation n’a rien de consensuelle, elle engendre le débat, elle nous oblige à déplier le sens des mots. Transformation et amélioration, qu’avez-vous à nous dire ?
D’emblée la connotation teintée de positif dans l’amélioration et plus neutre dans la transformation, nous fait tendre vers le désaccord.
Lorsque l’on vise l’amélioration, une base est conservée, cette part de connu nous rassure et nous laisse envisager des conséquences relativement peu aléatoires. Si l’on vise la transformation, cette même base est remise en cause, la part d’inconnu est bien plus importante tant dans les outils que dans leur visée. Les conséquences d’une transformation sont donc bien plus aléatoires. Ce manque de visibilité suggère à la fois l’anxiété et le questionnement.

Transformer, pourquoi ? Pour aller où ?
Si l’on considère la transformation et l’amélioration comme des processus du changement alors le second possède une dimension plus réduite, il est encapsulé, contenu dans le premier. L’amélioration apparait comme plus limitée, plus aisée, avec des objectifs resserrés et objectivement évaluables. La transformation, quant à elle, est bien plus large, plus radicale, plus ambitieuse. Elle porte l’ambition d’aller vers un état nouveau qui serait plus durable. Ce serait un marqueur. Le processus de transformation renvoie la notion de rupture, la fin d’un modèle pour la création d’un nouveau où le cycle de l’amélioration pourra prendre part ultérieurement.
L’ambition portée par le Ministre serait donc de faire réellement évoluer le lycée professionnel, d’éviter la stagnation, de remettre en activité, d’apporter une réelle stimulation à la voie professionnelle ainsi qu’à ses acteurs, de changer ses pratiques, les modes de pensée pour transfigurer enfin son image. Cette réforme voudrait-elle avoir un impact sociétal fort ?

L’amélioration aurait donc une visée minime et la transformation, avec toute l’incertitude qui l’entoure, permettrait l’innovation, libérerait la créativité ... Une transformation par et avec les acteurs nécessite un engagement plus fort, une prise de risque importante de la part de tous. Avant d’envisager le risque, faut-il l’imaginer ! Permettre la prise de risque demande l’assurance d’une expertise professionnelle collective. Est-il surfait de qualifier le lycée professionnel de laboratoire pédagogique, comme terrain d’expérimentation à grande échelle ? Une fois le risque de l’innovation assumé, il peut être envisagé. Si l’on veut borner ce risque, il nous semble qu’il faut affirmer l’identité professionnelle des acteurs pour qu’ils en soient le vecteur et non la victime. Manager le risque, cela demande également un accompagnement avec des moyens et des espaces. Pour manager le risque, il faut le partager, en afficher les ambitions et en se donnant les moyens de prendre le risque de réussir.

En se parant des mots d’Engeström, cette réforme n’annonce pas de la demi-mesure. Il y a un temps pour dire et un temps pour faire et un autre pour en dire ...

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